"... Les laminaires géants, traînant sur le sol et le sable,
jettent sur leur passage une odeur grisante d'iode et de sel. Les chevaux
tirent de toutes leurs forces et l'attelage tout entier, hommes et bêtes,
ne fait qu'un, penché, poussant à la roue pour grimper la
côte et dominer la dune où un chemin blanc, éclatant
de soleil, attend le vainqueur de cette étrange bataille qui réveille,
exalte, aiguise en nous les vieux instincts barbares de conquête,
de rapt, de vol et de pillage. Que de fois mon père m'a raconté
les luttes de son adolescence besogneuse avec les flots glacés,
au temps rude des mois noirs! Je les ai souvent vus ces goémoniers
et j'ai combien de fois! accompagné mes oncles sur les brancards
de la charrette. Nous mangions à midi un pain blanc serré,
creusé d'un grand trou dans lequel se nichait la demi
livre de beurre que nous engouffrions avec un appétit inconnu du
plus boulimique de nos citadins...
Ceci se passait au cours de mes vacances d'été.
Mais l'hiver! L'hiver au vent fou qui coupe les visages et engourdit les
doigts, qui soulève les visages avec furie. Qu'importait tout cela!
Il fallait bien pourtant travailler hardiment et vivre...
C'est en évoquant ces jours anciens, ce pénible
labeur éclairé, enrichi, allégé par la foi
forte et simple de ces travailleurs de la mer, que j'eus cette vision digne
des âges primitifs. Qu'elle soit ici, une fois de plus, comme un
ex-voto en l'honneur de mes plus lointains ancêtres:
Les goémoniers de Porz-Geffroy
rentrent, pensifs, à leur chaumière. Ils tremblent de faim et de froid... La vie est dure sur la mer. C'est l'hiver. Le vent souffle et siffle
-Jadis, ô Breiz, tu étais libre!
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Or, j'en étais là
de mes rêves
quand je vis tout à coup venir du plus profond de l'avenir l'archange impalpable des grèves... Dans ses mains, il tenait la harpe
Moi, sonner de la harpe sainte?
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Et pourtant, oui , je veux chanter,
Ô Breiz, ta gloire et ta beauté! pourtant, oui, je veux dire au monde ton génie, ton âme profonde... Après l'hiver, le printemps viendra
De nouveau souffla la tempête
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